LA CELEBRATION DU 500ème ANNIVERSAIRE DE L’AUTOCÉPHALIE DE l’EGlISE ORTHODOXE RUSSE

«Heureux ceux qui font ses commandements, pour avoir droit à l’arbre de vie, et pour entrer par les portes dans la ville».

(Apoc. XXII, 14)

Plus de trois ans ont passé depuis le moment où nous avons été témoins d’un événement historique dans la vie de l’Eglise Russe Orthodoxe son Concile Local, auquel assistèrent les représentants de presque toutes les Eglises Orthodoxes d’Orient. Aujourd’hui, à Moscou, de Hôtes notables sont venus honorer de leur présence la grande et glorieuse Fête des notre Eglise Orthodoxe.

Il n’entre pas dans mes attributions de donner ici un commentaire historique sur les événements ayant eu lieu il y a 500 ans. Des aperçus sur ce sujet ont déjà paru sur les pages de notre revue.

D’ailleurs un exposé circonstancié et bien documenté par N. I. Mouraviev professeur à l’Académie de Théologie de Moscou, nous donne un excellent aperçu des causes efficientes et finales de la séparation définitive de l’Eglise Russe de son Eglise-Mère de Constantinople. C’est dans la mesure de mes modestes facultés que je vais essayer de décrire comment par les soins be S. S. le Patriarche Alexis et de ses proches collaborateurs a été commémoré l’existence indépendante de l’Eglise Orthodoxe Russe. Les solennités ont été inaugurées par un Te Deum chanté dans la Cathédrale Patriarcale de l’Epiphanie de Moscou, le 8 Juillet 1948.

S. S. le Patriarche Alexis arrive peu avant ses hôtes et les attend dans le sanctuaire. Ceux-ci sont reçus par le Métropolite de Kroutitsy et de Kolomna Nicolas et le protopresbytre Nicolas Koltchitsky, supérieur de la Cathédrale. Au son des cloches et tandis que le choeur entonne: «Du soleil levant au soleil couchant...» les invités pénétrent dans la Cathédrale.

L’Eglise est pleine depuis longtemps. Ceux qui veulent prier avec ces illustres invités ou simplement les voir, sont venus ici plusieurs heures avant le commencement des solennités. Ils se tiennent en rangs serrés, le long du tapis rouge qui s’étend du siège du Patriarche jusqu’aux dernières marches du parvis.

L’espace compris entre le Siège Patriarcal et le sanctuaire est recouvert de tapis. L’iconostase et les garnitures des icônes frappent la vue par leur éclat doré. La châsse de Saint Alexis, transportée ici le jour du 800ème anniversaire de la fondation de Moscou, est surmontée d’un dais aux fines ciselures dorées. Les majestueuses voûtes de l’Eglise transportent votre regard vers les cieux. Et, malgré lui, tout être qui entre ici, est rempli de respect pour ces lieux et participe à la fête de tout le monde orthodoxe.

Exactement à 11 heures, comme il a été prévu, les Portes Royales, s’ouvrent et S. S. le Patriarche de Moscou et de toutes les Russies Alexis, accompagné du clergé concélébrant, apparait sur l’ambon.

Les invités sont placés du côté droit du Maître-Autel. Le protocole n’est pas rigoureusement observé. Cependant ce sont les Chefs des Eglises qui occupent les premiers rangs: S. S. le Catholicos Patriarche de toute la Géorgie, Callistrate; S. S. le Patriarche de Serbie Gabriel; S. S. le Patriarche de Roumanie, Justinien; Sa Béatitude, l’Exarque de Bulgarie, le Métropolite de Sofia, Stéphane; l’Exarque du Patriarche de Constantinople (Oecuménique) pour l’Europe Centrale et Occidentale, le Métropolite de Thyatire Germanos; les représentants des Eglises d’Antioche et d’Alexandrie, le Métropolite d’Emèse Alexandre et le Métropolite du Liban Elie; l’évêque de Kortcha Païssy représentant l’Eglise d’Albanie; l’évêque de Belostok et de Béla, Timothée, représentant l’Eglise de Pologne. Parmi les Hôtes d’honneur, on remarque le Patriarche—Catholicos de tous les Arméniens, Georges VI.

Ce ne serait guère chose facile que d’énumérer tous les évêques russes qui sont présents. Parmi ceux-ci je ne citerai que ceux qui représentent l’Eglise Russe à l’étranger: l’Exarque pour l’Europe Occidentale, le Métropolite Séraphin résidant à Paris; l’Exarque pour la Tchécoslovaquie, l’archevêque de Prague et de Tchéquie Eleuthère; actuellement déjà élevé à la dignité de Métropolite; l’Exarque pour l’Europe Centrale, l’archevêque de Vienne, Serge; l’Exarque pour l’U. S. A. l’archevêque de l’Amérique du Nord Macaire; l’administrateur des paroisses russe en Bulgarie, l’archevêque Séraphin; le doyen des paroisses russes en Yougoslavie, le protopresbytre Jean Sokal; le représentant de là Mission de l’Eglise Russe en Chine l’archimandrite Gabriel et le chef de la Mission Russe en Hollande l’archimandrite Denis...

La délégation de l’Eglise d’Hellade, avec à sa tête le Métropolite de Philippes et de Naples (Kavalla) Chrysostome et comprenant le Métropolite de Rhodes Timothée et le protopresbytre Constantin Moroitakis, est arrivée plus tard. Derrière les rangées de chaises et de bancs nous voyons le clergé et les laïcs: les membres des délégations étrangères, les invités des différents diocèses du patriarcat et les moscovites.

Au moment de l’ouverture des Portes Royales et de l’apparition de S. S. le Patriarche Alexis, tout le monde se lève. Par de chaudes paroles, pleines de douceur et réellement fraternelles le Patriarche de Moscou et de toutes le Russies salue les représentants des Eglises Orthodoxes Autocéphales d’Orient qui ont bien voulu honorer de leur présence la grande fête de l’Eglise Russe. Lediscours de l’Hiérarque orthodoxe est empreint de dignité et d’humilité: il n’est que le pasteur des brebis de Dieu. «Nous considérons cette fête comme un remerciement à Dieu, pour ses immenses bienfaits accordés à l’Eglise Russe pendant toute la durée de son existence. Le peuple russe a estimé plus que tous les biens et tous les trésors le don divin de la Foi Orthodoxe, il considérait son service à Dieu et à son Eglise comme une action qui lui était commandée: il s’est pieusement incliné devant les exploits et les efforts des Saints de Dieu, avec patience il a supporté toutes les épreuves qui lui étaient envoyées, espérant en l’aide et en la médiation de ses protecteurs célestes. Il a été lui-même tout exploit.»

Ainsi parle le Patriarche de Moscou et de toutes les Russies. Et ici, dans la cathédrale et partout ailleurs, dans quelque église où il n’entre, dans quelque ville où il n’arrive, des foules innombrables de croyants l’entourent, se pressent à ses côtés. On l’aime, on le respecte, on l’apprécie, on le garde. Plus le peuple est grand et glorieux, plus grand est le pouvoir de son Chef spirituel. Mais parmi ses confrères, les Patriarches de l’Eglise Orthodoxe et Apostolique d’Orient, il n’est qu’un frère plein de bonté et â l’heure actuelle un maître de séant aimable et accueillant. Il dit: «Ces relations entre les Eglises orthodoxes nous sont particulièrement chères et agréables parce que la force divine qui nous unit, s’y montre et nous avons foi en ce que le Christ est parmi nous, suivant Sa promesse: «Là où sont réunis deux ou trois en Mon Nom, Je suis parmi eux». Comment donc ne pas profiter de cette réunion fraternelle pour discuter ensemble des questions qui préoccupent toutes nos Eglises Orthodoxes?»

Et S. S. le Patriarche Alexis invite tout le monde á prier ensemble auprès des Reliques de Saint Alexis, le Thaumaturge, Métropolite de Moscou, vénéré à travers les siècles pour sa sagesse et sa piété.

Le Patriarche célèbre lui-même le Te Deum. Le Métropolite de Riga Benjamin, l’archevêque d’Astrakan Philippe, l’archevêque de Novosibirsk Barthélémy et l’archevêque de Lwow Macaire, l’assistent et sont à ses côtés.

J’ignore quelles pensées ont dirigé S. S. le Patriarche dans le choix de ceux qui allaient concélébrer avec lui aujourd’hui, mais malgré moi le sens de ces paroles me vint à l’esprit: «Du soleil levant au soleil couchant, glorifiez le Seigneur»

Tous prient: les Patriarches, les evêques, les prêtres, le peuple. Derrière les barrières du Siège Patriarcal on est tellement à l’étroit que c’est à peine si on peut lever la main, mais les fidèles se signent quand même. Et des milliers de voix se fondent en un seul chant, qui glorifient la Mère de Dieu: «plus digne que les Chérubins et incomparablement plus glorieuse que les Séraphins...

Après le Te Deum, S. S. le Patriarche Alexis invite ses Hôtes s’incliner devant les Reliques de Saint Alexis, Métropolite de Moscou.

Le même jour à cinq heures a lieu l’ouverture des fêtes commémoratives à la Cathédrale de la Résurrection, aux Sokolniki.

Ici, si l’on peut s’exprimer ainsi d’une église, l’atmosphère est tout autre: c’est une atmosphère de travail. Toutes les veilleuses sont allumées, le sanctuare est éclairé, mais la lumière des lampes électriques se confond avec celle du soleil et elle meurt lorsque les puissants projecteurs sont allumés. Les cinéastes essayent d’enregistrer chaque moment important de cette séance solennelle consacrée au 500ème anniversaire de l’autocéphalie de l’Eglise Orthodoxe Russe.

Une grande table recouverte d’un drap vert est au milieu de la nef. L’espace compris entre le sanctuaire et la table est dégagé. De chaque côté de la table, occupant l’espace s’étendant du centre de la nef jusqu’aux autels latéraux, se trouvent plusieurs rangées de chaises. Derrière la table, il y a également quelques rangées de chaises.

Cette Eglise, bâtie par protoprêtre Jean Kédrov avec les oboles des fidèles et l’aide de diverses organisations sociales, est très spacieuse et peut contenir beaucoup de monde. Toute l’église est ornée de boiseries somb bres. 11 n’y a pas de peintures sur les murs; rien qu’en haut, prés de la cou pôle, sont représentés' comme regardant en bas, les quatre Apôtres-Evangélistes. L’harmonie des murs blanchis avec le bois sombre de l’iconostase crée sans doute, cette impression d’atmosphère de travail qui nous frappe dés notre entrée dans l’église. C’est ici qu’il y a plus de trois ans a eu lieu le Concile Local qui a élu le présent Patriarche de Moscou et de toutes les Russies. Nombreux sont les hôtes qui ont déjà assisté à cette autre solennité. Ils ont sans doute rémarqué comment l’église pendant cette période, a été restaurée et embellie. Quant au reste, rien n’a changé depuis le Concile Local. Seulement, cette fois le choeur est absent et les illustres Hôtes sont reçus au son des cloches.

A quatre heures et demi il n’y avait encore personne. Mais tout le monde a eu le temps de se réunir en une demi-heure et à cinq précises S. S. le Patriarche Alexis ouvre la séanse solennelle commémorative.

La place présidentielle lui appartient. A sa droite et à sa gauche ont pris place les Chefs des délégations des Eglises Orthodoxes d’Orient et l’Hôte d’honneur, le Patriarche-Cotholicos de tous les Arméniens, Georges VI. A côté d’eux, à la table présidentielle, ont pris place le Métropolite de Kroutitsy et de Kolomna Nicolas et le représentant du gouvernement Soviétique, le Président pour les affaires de l’Eglise Orthodoxe Russe auprès du Conseil des Ministres de l’U.R.S.S. G. G. Karpov. A côté de lui, son remplaçant S. C. Belychev.

Les places latérales sont occupées par les Métropolites, les archevêques et les évêques étrangers ainsi que par les invités russes. Tous se sont assis au hasard des places, aucune délégation ne se tient à part. Derrière la table présidentielle, se sont assis les laïcs, proches aux affaires de l’Eglise.

Comme toute réunion religieuse orthodoxe, cette séance solennelle débute par une prière chantée par toute l’assistance.

Puisqu’il existe un compte-rendu sténographié de tout ce qui a été dit à cette conférence et aux séances suivantes, je ne vais pas exposer les discours qui été prononcés et je ne citerai que de petits extraits qui caractérisent l’esprit dans lequel s’est déroulée cette séance.

En parlant de l’événement historique qui est la cause de ces fêtes commémoratives S. S. le Patriarche Alexis attire l’attention de ses Hôtes sur les sentiments réellement filiaux et pleins de respect que les Hiérarques russes ont eu envers l’Eglise-Mère, dirigée par le Patriarche de Constantinople. Mais en même temps il souligne que: «il faut remarquer que, même au début, la dépendance de l’Eglise Russe de Constantinople portait un caractère spécial et l’on peut dire qu’elle se bornait au droit du Patriarche de Constantinople de consacrer le Métropolite pour l’Eglise Russe, accordant à celui- ci le droit d’administrer indépendamment son Eglise, suivant les Canons de l’Eglise Universelle».

En effet, ceux qui connaissent l’histoire, savent que dans la mesure où le terrain pour le christianisme avait été préparé longtemps avant le baptême de Saint Vladimir, c-à-d., avant que l’Etat accepte officiellement la nouvelle foi, au cours des premières décades de son existence, l’Eglise Orthodoxe Russe: «satisfaisait à toutes les conditions canoniques non seulement pour jouir d’une large autonomis, mais même pour obtenir l’autocéphalie. Le nombre de ses évêques dépassait de beaucoup le minimum requis par les Canons pour une Indépendance religieuse totale», dit Sa Sainteté. Il souligne: «la proclamation de l’autocéphalie en Russie résulta du désir de la hiérarchie, du clergé et du peuple russe de garder intacte la foi et c’est un témoignage de son amour ardent pour l’Eglise et de son zèle pour l’Orthoxie», mais même plus tard l’Eglise Russe ne rompt pas ses relations avec les Eglises d’Orient, se sert de leurs conseils judicieux en tachant de: «conserver l’unité de l’esprit par le lien de la paix...» comme l’a dit Saint Paul dans son Epître aux Ephésiens (IV, 3).

Le discours de bienvenue est prononcé au nom du Gouvernement Soviétique par G. G. Karpov. Il est empreint de bienveillance pour toute l’assemblée; le Gouverne ment a volontiers soutenu le désir du Patriarche Orthodoxe Russe de commémorer cet anniversaire historique de l’Eglise Russe. G. G. Karpov dit: «une large représentation des Eglises orthodoxes du monde aux solennités religieuses actuelles est un événement remarquable non seulement pour l’Eglise Russe, mais aussi pour toute l’Eglise Orthodoxe Universelle», et il fait remarquer la particularité caractéristique de l’Orthodoxie: «les principes de sobornost la distingue des autres confessions» et il insiste sur le fait que: «ici se trouvent les Eglises orthodoxes de tous les pays dont les peuples selon leur volonté librement manifestée, ont établi un nouvel ordre social et politique leur assurant un rapide développement matériel et spirituel».

Ce fut la seule séance, a laquelle assistèrent les représentants du Gouvernement Soviétique. l’Eglise dans l’Union Soviétique est séparée de l’Etat et indépendante dans ses affaires religieuses.

S. S. le Patriarche Alexis remercie G. G. Karpov de ses souhaits chaleureux.

Ensuite la parole est donnée au représentant du Patriarche Oecuménique de Constantinople, le Métropolite de Thyatire, Germanos. Il prononce son dascours en grec. Le Métropolite de Léningrad et de Novgorod Grégoire, lit la traduct on en russe.

Il serait difficile d’éxagérer le profond respect qui se fit sentir dans les paroles du Métropolite de Thyatire. l’Eglise de Constantinople s’estime heureuse de ce qu’elle ait transmis la lumière de la foi chrétienne au peuple Russe et elle admire le zèle avec lequel notre pays l’a conservé et l’a raffermie: «les Académies de Théologies russes servaient de centre d’instruction chrétienne non seulement au clergé russe, mais, également à de nombreux clercs venant de l’Orient Orthodoxe... Aujourd’hui, en ce jour du 500ème anniversaire de l’indépendance religieuse et écclésiastique de l’Eglise Russe, toute âme orthodoxe se réjouit et chante un hymne de reconnaissance au chef de l’Eglise, le Christ...»

Au nom l’Eglise d’Antioche c’est le Métropolite d’Emèse, Alexandre, qui présente ses félicitations à l’Eglise Orthodoxe Russe. Son discours est empreint de l’esprit d’humilité chrétienne que l’Orthodoxie a reçue dès Saints Apôtres et qu’elle a gardé à travers les siècles dfns ce qu’: «à chacun de nous la grâce a été donnée selon la mesure du don du Christ» (Ephes. IV, 7).

Le représentant de la plus ancienne Eglise Orthodoxe de l’Union Soviétique, le Catholicos—Patriarche de toute la Géorgie, Callistrate dans son discours de bienvenue parle de l’histoire de l’Eglise Russe et des mérites de ses évêques envers la Patrie. En terminant, il offre au Patriarche Alexis une crosse surmontée d’une Eglise et dit: «Gardes en, mon très cher, l’héritage divin qui t’a été confié, dans l’harmonie de la vérité et de la bonté, de la fermeté et de la douceur qui te sont habituelles, afin que chacun des evêques, des prêtres et des fidèles qui te sont soumis puissent dire d’un coeur tranquille: Ta crosse et ton bâton, ce sont eux qui m’ont consolés

S. S. le Patriarche de Serbie Gabriel prononce son discours comme seul des proches parents peuvent parler: «obéissant aux traditions séculaires, a-t-il dit, suivant lesquelles, avec un attachement fraternel inébranlable, nous placions tout notre espoir, nous trouvions la consolation, nous recevions l’aide et la protection, tous les jours de notre orageux et lourd passé, de la puissante protectrice de l’Orthodoxie et du monde slave, de notre Mère la Russie. Aujourd’hui encore plus que jamais, nous nouris- sons les mêmes sentiments d’attachement fraternel et d’espoir et nous voyons dans la grandeur de la Russie une garantie de la paix, de la justice et dé la liberté pour toute l’humanité dans le monde entier.»

S. S. le Patriarche de Roumanie Justinien prononce son discours en roumain, mais se souciant qu’il soit aussitôt compris de tous, il s’arrête presque après chaque phrase et l’interprète, d’aprés un texte préparé à l’avance, lit les paroles de bienvenue en russe. Un petit extrait du discours du Patriarche de Roumanie montrera dans une mesure suffisante avec quels sentiments il assiste ici, dans cette églisee de Moscou, aux Sokolniki: «En ressentant une joie inexprimable et un immense enthousiasme, en prenant part avec les Chefs de toutes les Eglises Orthodoxes autocéphales, à ces fêtes où l’on a l’occasion de proclamer tout haut à tous les peuples du monde, que nous sommes unis et indivisibles et que nous avons conservé la doctrine, les commandement et les traditions de la Sainte Eglise Orthodoxe immuables, nous pouvons maintenant certifier à tout le monde qu’il existe entre nous les liens spirituels d’amour et de collaboration fraternels à l’instar des saints hiérarques et de nos Prédécesseurs de bienheureuse mémoire et qu’en suivant leur exemple et leurs oeuvres et perfectionnant leurs sacrifices, pour la propagation de la parole de vérité, car nous sommes obligés selon la Parole de l’Apôtre Paul: «de garder l’unité d’esprit pour l’affermissement de la paix, ayant gardé ce qui nous a été confié».

Au nom de l’Eglise de Bulgarie, l’allocution est prononcée par Sa Béatitude l’Exarque Métropolite de Sofia, Stéphane. Il parle beaucoup et avec, amour du monachisme et des ascètes russes et il caractérise ainsi l’Eglise Russe: «par le nombre de ses fidèles, par sa richesse spirituelle et matérielle, par sa force et son influence, elle surpasse toutes les autres Eglises Orthodoxes. Mais jamais elle n’a eu l’intention de profiter des avantages de sa situation pour une hégémonie dans le monde orthodoxe... Elle a profité de son influence pour délivrer et sauver des malheurs les autres Eglises et les autres peuples. S’il n’y avait pas eu ses appels inspirés aux dirigeants russes et au peuple russe, il se peut que jusqu’a maintenant les roumains, les grecs, les serbes et les bulgares souffrissent encore du joug turc». C’est par de bonnes paroles que le Métropolite Stéphane invoque la mémoire du Patriarche Serge.

A peu prés la même pensée est exprimée dans l’allocution de l’archevêque de Belostok et de Béla, le représentant de l’Eglise de Pologne qui a été «précédemment la fille et qui maintenant est la soeur cadette de l’Eglise Russe». «L’idée de la troisième Rome est fondée historiquement mais cette idée est accueillie par l’Eglise, comme par le peuple, dans son sens le plus idéal. En prenant sur elle la mission de gardienne de la pureté de l’orthodoxie, la Sainte Eglise Russe, ne cherche pas la primauté sur les autres Eglises mais dans un esprit de sacrifice, conformément au commandement du Christ, elle sert ses Soeurs les Eglises Orthodoxes par sa science théologique hautement développée et par sa grande expérience spirituelle et par tous les moyens à sa disposition...» Les paroles de salutations de la part de l’Eglise d’Albanie «qui a défendu l’Orthodoxie durant les cinq siècles du joug turc et qui dirige aujourd’hui le peuple de fidèles d’Albanie se trouvant au rang des nations défendant l’amitié entre les peuples et la paix du monde,» sont dites, en langue de ce pays, par l’évêque de Kortcha, Païssy, et lues en russe par le Métropolite de Kroutitsy et de Kolomna, Nicolas. Cette parole est brève mais expressive et pleine d’admiration pour l’Eglise Russe. En dernier lieu, c’est le Catholicos—Patriarche de tous les Arméniens Georges VI, qui demande la parole. Avec un profond respect il évoque «les traits sublimes des grands affligés (pour la cause de la terre russe) Pierre, Alexis, Jonas, Philippe, Hermogène, Philarète,.. Gloire et honneur à la Sainte Eglise Orthoboxe Russe, a-t-il dit, — qui malgré la politique de russification de la toute puissante autocratie tsariste, n’a jamais attenté à la conscience religieuse et l’indépendance nationale religieuse du peuple arménien et son Saint des Saints plusieurs fois séculaires: Etchmiadzin... C’est sur cette sainte confiance mutuelle, sur ce respect et cet amour qu’est basée, que se développe et se raffermit la communion réellement chrétienne et spirituelle et de prières des deux Eglises Orthodoxes et l’amitié fraternelle et évangélique de nos fidèles chrétiens».

Les discours sont enregistrés. Pendant qu’ils sont prononcés l’oeil scrutateur de l’appareil photographique saisit l’expression de ceux qui les prononcent. Bientôt, tous ceux qui s’intéressent à cette illustres assemblée pourront voir et entendre sur l’écran l’expression des figures et les intonations. Ils pourront voir, par exemple, comment souriait aimablement S. S. le Patriarche Alexis à S. S. le Patriarche de toute la Géorgie lorsque ce dernier lui offrait la crosse. Ils pourront voir comment pendant le discours de S. S. le Patriarche de Roumanie, tous les membres de cette délégation se sont levés, comme saluant ensemble avec leur chef, l’Eglise Russe... La magnificence de la haute assemblée a été filmée dans ses plus petits détails, à la lumière changeante des projecteurs et ce sera un nouveau témoignage des rapports amicaux et affectueux existant entre les hiérarques et les prêtres de l’Orient Orthodoxe réunis ici.

Après les adresses de bienvenue, à la première séance, le professeur de l’Académie de Théologie de Moscou M. I. Mouraviev fait un exposé sur le sujet: «Le 500ème anniversaire de l’autocéphalie de la Saint Eglise Orthodoxe Russe».

La proposition faite parle Métropolite Nicolas d’envoyer un télégramme au Généralissime J. Staline a été approuvée à l’unanimité. Les paroles du télégramme sont fort simples, sans aucune affectation et expriment le souhait sincère de «longues années de santé et de succès continus dans votre grande oeuvre pour le bien des peuples de l’Union Soviétique etpour la paix de tous les peuples du monde».

Clôturant l’assemblée S. S. le Patriarche Alexis exprime ce qui semble être la pensée de tous les russes ici présents. Il remercie les illustres hôtes, qui avec un tel amour et une telle bienveillance ont exprimé leurs hommages, ce qui nous touche infiniment. Dans leur adresses ils ont montré une connaissance si profonde de l’histoire de l’Eglise Orthodoxe Russe, un tel respect pour sa grande oeuvre, une telle affection pour le peuple orthodoxe russe, que nous ne pouvons ne pas apprécier ces paroles autrement que comme l’expression d’un suprême amour fraternel. Et Sa Sainteté exprime sa conviction «que la conférence actuelle, que les travaux que nous accomplissons ensemble resserreront les liens d’affection fraternelle qui existent depuis toujours entre nos Eglises».

Les travaux de la conférence se poursuivent dans la matinée du Vendredi 9 Juillet et le Samedi 10 Juillet. Ils commencent et se terminent par une prière. Pas une seule fois le Patriarche Alexis n’oublie de s’incliner devant l’icone miraculeuse de Notre-Dame d’Ibérie (Iverskaya) relique profondément vénérée du peuple russe et qui participa à de nombreux événements marquants de l’histoire russe.

Aux assemblées plénières président à tour de rôle les Chefs des Eglises et des délégations qui furent élus au présidium.

Le côté technique de la conférence: inscription des membres des délégations dans les commissions, l’élaboration du plan de travail aussi bien pour les séances plénières que pour les commissions, les comptes rendus sur les travaux encours, l’élaboration de l’ordre du jour et d’autres questions relatives à l’organisation technique des travaux à poursuivre furent confiés au Métropolite de Kroutitsy et de Kolomna, Nicolas.

En annonçant l’ordre du jour, le Métropolite Nicolas propose de ne pas soulever de discussions aux séances plénières, mais de reporter au sein des commissions élus à cet effet et chargés de préparer les résolutions et de charger également les commissions de la question concernant les moines slaves du Mont Athos, celle des rites etc., qui ont été soulevées par certaines délégations.

L’assistance approuve toutes ces propositions raisonnables. Dans une courte introduction, le Patriarche de Moscou et de toutes les Russies résume le contenu de chaque question qui doit être étudiée par la conférense et qui préoccupe aujourd’hui toute âme orthodoxe. Avant tout, c’est l’agression croissante du Vatican ne dédaignant aucun moyen pour ravir des fidèles à l’Orthodoxie et ce même par des moyens de violence. C’est l’éternelle question qui est de nouveau soulevée par les Chefs de l’Eglise Anglicane, au sujet de la reconnaissance de sa succession apostolique et de son égalité avec les anciennes Eglises chrétiennes. On discute la question du calendrier de l’Eglise afin d’établir de la même façon le Canon Pascal et de célébrer Pâques en même temps et partout; de même que la question de l’ancien et du nouveau style. Enfin la dernière question qui est très importante dans l’état actuel de son développement c’est celle du mouvement oecuménique, c-à-d, au sujet de la participation à un centre internationale qui réunit les représentants de toutes les confessions chrétiennes, dans le but de coordonner les activités sociales, morales et philantropiques. Caractérisant l’essence des problèmes soumis à l’examen le Patriarche Alexis ne veut en aucune façon devancer leur solution par la conférence. Chacune de ses pensées sera développée par la suite dans des exposés faits au nom de l’Eglise Russe.

Le premier exposé sur le Vatican, intitulé «La Papauté et l’Eglise Orthodoxe» est fait par l’archevêque de Kazan, Hermogène, recteur de l’Académie de Théologie de Moscou. C’est un orateur admirable et un con naisseur de la question (son exposé a été publié).

Ensuite, le Docteur—Protopresbytre G. Kostelnik ayant réuni ses deux exposés «Le Vatican et l’Eglise Orthoboxe» et «l’Eglise Romaine et l’unité de l’Eglise du Christ», les lit en ukrainien, compris ici par tous les slaves et n’a pas besoin d’être traduit.

Le P. Kostelnik se distingue par son aspect extérieur du clérgé orthodoxe. Il est rasé, porte une soutane qui rappelle par sa coupe la soutane romaine et une large ceinture cramoisie. C’est un ancien prêtre gréco-catholique et l’initiateur de la dissolution de l’«Union» de Brest de 1596. Il connait mieux que tout autre le jeu secret des dirigeants du Vatican, et son discours est empreint de passion et d’indignation contre la convoitise de l’autorite temporelle des Papes Romains aussi bien par le passé que maintenant et qui est devenue une partie intégrante du papisme.

L’exposé suivant sur le Vatican est fait par la délégation bulgare. L’exposé est lu en russe par le Métropolite de Plovdiv, Cyrille. Il est intitulé «Le Vatican et l’Eglise Orthodoxe en Bulgarie». Donnant un aperçu historique de l’infiltration du catholicisme en Bulgarie, l’orateur souligne que, malgré sa propagande acharnée durant trois siècles et l’utilisation par les papes à différentes époques de toutes les difficultés de l’Etat, le peuple bulgare, dans sa masse est resté orthodoxe. Et cela se comprend, parce que le catholicisme a porté atteinte à la conscience nationale du peuple. Dans son désir d’asservir l’indépendance nationale, le Vatican ne se gène même pas pour se solidariser avec les turcs. L’orateur reconnaît l’organisation habile du catholicisme, la bonne préparation des missionnaires, la grande expérience du clergé catholique dans le domaine de la direction des âmes humaines et c’est pourquoi il invite à resserer et à consolider les forces, afin de se défendre contre l’agression du Vatican.

Après une courte interruption, l’exposé «Sur l’attitude du Vatican à l’égard de l’Eglise Orthodoxe pendant les derniers trente ans» par le professeur protoprêtre Théodore Popescu est lu en russe par le professeur de l’Académie de Théologie de Moscou N. P. Doktoussov.

Ce quatrième exposé sur le Vatican fait par la délégation roumaine constate également le fait d’une agression constante de la part des dirigeants de l’Eglise Catholique.

Personne ne contredit que l’activité actuelle du Vatican perd de plus en plus son essence religieuse en prêtant son autorité spirituelle et son expérience acquise au cours des siècles aux partis réactionnaires capitalistes, de même que personne ne pourra démentir le fait de la collaboration du Vatican avec les organisations fascistes.

Les quatre orateurs ne se sont jamais rencontrés auparavant et ont reçu leur formation dans des pays de culture nationale différente. Mais on sent dans chacun de ces exposés le trait commun qui est propre a chaque chrétien orthodoxe: de profondes aspiration spirituelles et le désir d’imiter le Christ.

En dernier lieu le Patriarche—Catholicos Callistrate dit quelques mots sur l’agression catholique contre l’Eglise Orthodoxe en Géorgie.

L’assemblée plénière du 9 Juillet se termine par l’exposé du métropolite de Slivno Nicodème, membre de la délégation bulgare, au sujet de la hiérarchie anglicane. Il lit son exposé en russe.

Le dix Juillet, l’assemblée plénière commence peu avant l’heure pré vue, vu l’ordre du jour chargé.

L’exposé fait au nom de l’Eglise de Roumanie par le professeur protoprêtre Pierre Ventilescu, le doyen de la faculté de Théologie de Bucarest «La hiérarchie anglicane et sa validité» est lu en russe par le protopresbytre Nicolas Koltchitsky. Cet exposé, très détaillé, touche la différence dans la définition des Sacrements et l’analyse de la déclaration des Hiérarques anglicans et l’histoire des pourparlers qui eurent lieu ces derniers cent ans entre les Eglises de l’Orient orthodoxe et l’Eglise Anglicane. Les propositions faites par la délégation roumaine au sujet de cette question se sont avérées, bien étudiées, humanitaires et bienveillantes, mais en même temps, inexorables quant à la sauvegarde de la pureté des Canons de l’Eglise Orthodoxe et des Règles Apostoliques. Après l’exposé du professeur de l’Académie de Théologie de Moscou V. S. Vertogradov: «Résolution de la question de l’Eglise Anglicane» (paru en brochure spécial) la parole est demandée par le Patriarche—Catholicos, Georges VI. Il estime de son devoir de raconter à la haute assemblée quel rôle honteux a joué le Vatican en s’opposant au rapatriement des Arméniens en Arménie Soviétique et quels obstacles il a crées pour leur retour dans leur patrie. Il exprime sa joiequ’ici la voix de l’ancienne Eglise apostolique nationale arménienne retentit librement, comme ce fut le cas au cours des premiers siècles du christianisme.

Jetant un regard sur les représentants des Eglises Orthodoxes d’Orient et considérant avec attention leur visage, à la belle barbe, on remarque une ressemblance générale qui leur est propre à tous: des yeux clairs, un front élevé, des traits réguliers. C’est là, la beauté extérieure qui sert d’expression à la noblesse d’âme. Peut-être peut-on y chercher la raison de la grande liberté, de l’aisance et de la sympathie mutuelle qui régnent ici.

La question suivante qui est à l’ordre du jour «Du calendrier orthodoxe». Le premier exposé sur ce thème est fait par A. I. Georgievsky, professeur à l’Académie de Théologie de Moscou. Le suivant, au nom de l’Eglise bulgare, est fait par l’archimandrite Méthode et le dernier, au nom de l’Eglise roumaine, est lu en russe, par N. P. Doktoussov.

Les trois exposés prouvent la nécessité de conserver l’ancien style c-à-d, le calendrier Julien pour l’établissement du Canon Pascal orthodoxe et ne diffèrent entre eux que par les détails.

L’examen de la question du mouvement oecuménique débute par l’éxposé de la délégation roumaine lu par le professeur protoprétre Jean Koman. L’opinion de la délégation bulgare est exposé par le Métropolite de Sofia, Stéphane, exarque de Bulgarie. Ensuite, le point de vue de l’Eglise Russe, est exposé par le protoprêtre G. Razoumovsky. En utilisant une information diverse à leur disposition, possédant une expérience variée et en apportant des propositions différentes quant à l’attitude à prendre à l’avenir, à l’égard du mouvement oecuménique, tous les trois exposés tombent également d’accord sur l’essence du mouvement oecuménique définie par eux comme étant un mouvement éloigné de l’esprit religieux et poursuivant des fins d’un caractère politique défini; il est également remarqué par eux que les organisateurs de ce mouvement manquent d’egards envers les représentants de l’orthodoxie.

Et, de nouveau, je fais remarquer que j’évite de faire une description plus détaillée des exposés car ils ont été sténographiés. Je puis dire que cette question s’est avérée tellement proche de l’actualité, les exposés étaient si intéressants et si bien documentés que la séance, commencée à 10 h30, s’est prolongée jusqu’à cinq heures, quoique d’après l’ordre du jour elle devait se terminer á 3 heures.

Il y a dans la vie des moments, qui, on ne sait pourquois, se gravent dans l’esprit avec toute la netteté de leurs couleurs et de leurs sons. L’église à demi vide, la porte d’entrée grande ouverte par laquelle on voit le bleu clair du ciel et la verdure touffue des vieux arbres. En face de nous l’iconostase, ornée de veilleuses multicolores. Sur le fond de la boiserie sombre, se distinguent les icônes claires et riches en couleurs. Des soutanes noires... Tout ce qui est blanc et de couleur est ici tellement rare comme pour faire ressortir spécialement le noir. La voix nette de l’orateur retentit dans l’église. Tous écoutent attentivement. Parfois, un mouvement invonlontaire montre nettement la réaction des auditeurs sur telle ou telle expression et quel écho elle a trouvé dans leur coeur.

C’est ainsi que je me rappelle les séances plénières qui eurent lieu aux Sokolniki.

Du samedi 10 Juillet au samedi 17 juillet, les séances plénières furent suspendues. Le travail se faisait dans les commissions où il a été organisé selon les règlements intérieurs respectifs.

Le vendredi 9, après la séance plénière, on avait prévu la visite des églises de Moscou par les membres des délégations. J’ai pu aller à l’Eglise St. Nicolas de Kouznetsy où le supérieur est le Père Alexandre Smirnov.

A cinq heures précises la cloche retentit et les membres de la délégation de l’Eglise d’Antioche arrivent en voiture: ce sont le Métropolite d’Emèse, Alexandre, le Métropolite du Liban, Elie et l’archimandrite Basile. Ensuite, en les indiquant dans l’ordre de leur arrivée, ce sont les représentants de

1 ’Eglise de Roumanie, l’évêque de Cluge, Nicolas, l’évêque de Bujéo, Anthime et les personnes qui les accompagnent; le représentant du patriarche de Constantinople, le Métropolite de Thyatire, Germanos, accompagné du Métropolite de Léningrad Grégoire; le Métropolite Séraphin venant de Paris avec les représentants de l’Eglise de Pologne, l’archevèque de Belo- stok et de Béla Timothée, l’èvêque de Wrotslav, Michel et les personnes qui les accompagnent; le Métropolite de Spolié, Joseph, membre de la délégation de Serbie avec les personnes qui les accompagnent et enfin un groupe plus nombreux ayant à sa tête le Catholicos—Patriarche de Géorgie, Callistrate. Faisaient partie de ce groupe: l’évêque de Kortcha, Païssy, délégué de l’Eglise d’Albanie, l’archevêque des Etats Unis, Macaire, le protopresbytre Garbriel Kostelnik (de Lwow), de nombreux autres illustres représentants des Eglises Orthodoxes étrangères et le clergé russe.

Chaque groupe était salué par le son des cloches et le chant du choeur. Le supérieur saluait chaque représentant des Eglises—Soeurs par une brève allocution. La haute personnalité qui était à la tête du groupe répondait également par des paroles aimables, pleines de bienveillance, pour le Père supérieur et pour les paroissiens de l’église.

Ceux-ci sont venues si nombreux que si ce n’était l’extraordinaire discipline et la retenue des fidèles, il aurait pu y avoir une catastrophe. Il faut rendre cette justice au P. Alexandre, c’est son mérite. En attendant chaque groupe, le supérieur de l’église expliquait à ses paroissiens qui ils verraient. Avec leur supérieur, ils prennent part à la reception des hôtes, exprimant leur salut en s’inclinant profondément et en recevant pieusement la bénédiction... Après une prière dite en commun les hôtes, sur l’invitation du supérieur allaient s’incliner devant la relique locale: l’icone de Notre- Dame de la consolation.

On souhaitait à tous les Hôtes de nombreuse années de vie. Ensuite, le choeur executait des chants religieux.

La reception des invités à l’église St. Nicolas de Kouznetsy s’est prolongée depuis cinq heures jusqu’à huit heures du soir. Le samedi 10 Juillet, les membres des délégations célébrèrent les Vêpres dans différentes églises de Moscou. Je suis allée prier á la Cathédrale Patriarcale.

Ici, l’office était célébré par le Métropolite de Tuyatire, Germanos, exarque du Patriarche de Constantinople (Oecuménique) en Europe. Avec lui vinrent à l’église le Métropolite de Léningrad Grégoire et le Métropolite de Phillippe et de Naples (Kavalla), Chrysostome, représentant l’Eglise d’Hellade. L’office était célébré en grec et en slavon. Après que le Métropolite Germanos eût lu l’Evangile en grec, le Métropolite de Léningrad Grégoire l’a lu en slavon.

C’est l’office habituel des Vêpres, dans la Cathédrale patriarcale. A la manière des monastères, on entendait les canonarques aux choeurs. On entend chanter et lire les kondakions et les tropaires à Saint Serge et â Saint Germain de Valaam dont l’église vénèrent demain la mémoire... Et nous, les fidèles, nous ne sentons nullement que ces Vêpres sont célébrées par un étranger, car notre foi orthodoxe est commune à nous tous.

Le jour suivant, le dimanche les Vêpres solennelles sont célébrées à la Cathédrale Patriarcale avec la participation de tous les membres des délégations et précédées d’un office des défunts sur la tombe du patriarche Serge—c’était le jour de sa fête.

C’est un fait significatif que la veille delà fête des Saints et glorieux Apôtres Pierre et Paul, en la Cathédrale Patriarcale de Moscou se sont réunis les représentants de presque toutes les Eglises d’Orient. Etaient absents les représentants de l’Eglise de Jerusalem, mais ils étaient absents «en raison des tristes circonstances, les ayant privés de déplacement et d’action et dont sont affligés leurs pays respectifs» (extrait du discours du Patriarche Alexis, à la première séance aux Sokolniki). L’office était célébré en grec, slavon, géorgien et roumain. La litia a été présidé parle Patriarche de Roumanie Justinien, le «Polielos» par le Patriarche de Géorgie Callistrate, assistés par les autres hiérarques participants. C’était la concélébration d’un très grand nombre d’écclésiastiques. Les évêques étaient suivis par les prêtres ayant à leur tête deux protopresbytres de l’Eglise Orthodoxe Russe, le Père Nicolas Koltchitsky et le Père Gabriel Kostel- nik.

L’Evangile était lu en géorgien par le Catholicos—Patriarche Callistrate, en slavon, par le Métropolite de Kroutitsy, Nicolas. Et, lorsque de la bouche de Son Eminence le Métropolite Nicolas se font entendre les paroles: «Jésus lui dit: pais mes agneaux» la signification de ces paroles se fait sentir d’une façon particulière.

Je ne voudrais pas décrire la splendeur des chasubles, du chant inspiré du choeur patriarcal, des sentiments attendrissants des fidèles présents dans l’église et joignant des milliers de voix au chant des prières que tous connaissent. Tout ceci a été décrit plus d’une fois et connu des orthodoxes dès l’époque de Byzance.

Avec encore plus de solennité que les Vêpres a été célébrée en la Cathédrale Patriarcale de Moscou, la liturgie le jour de la fête des Apôtres Pierre et Paul. Elle était célébrée par S. S. le Patriarche Alexis avec S. S. le Catholicos—Patriarche Callistrate, S. S. le Patriarche Justinien, S. E. le Métropolite Germanos, S. E. le Métropolite Chrysostome, S. E. le Métropolite de Slivno, Nicodème, S. E. le Métropolite Nicolas (de Kroutitsy), l’archevêque Timothée (de Béla et de Belostok) et l’évêque Païssy,

Sa Béatitude, l’exarque de Bulgarie, le Métropolite de Sofia Stephane ne participe pas à la célébration de la Liturgie pour raison de santé mais il est présent et est nommé dans les prières, comme s’il officiait.

Tout le temps, prés du Siège Patriarcal restent deux protopresbytres, le P. Nicolas et le P. Gabriel.. Ici le clergé est encore plus nombreux et il est placé, exactement selon son rang, auprès de l’autel. Le Père Georges Antonenko, l’archidiacre du Patriarche de Moscou et de toutes les Russies, le P. Serge Tourikov, le protodiacre qui concélèbre d’habitude au Métropolite Nicolas et les autres meilleurs protodiacres et diacres de Moscou contribuent beaucoup à l’éclat de l’office par l’éclat de leur voix puissante et agréable.

Aux ekténies, on nomme les Patriarches d’Orient: celui de Constantinople, Maxime; d’Alexandrie, Christophe; d’Antioche, Alexandre, et de Jérusalem, Timothée avec leurs titres complets. Seulement après on cite le nom d’Alexis, notre Grand Seigneur et Père, S. S. le Patriarche de Moscou et de toutes les Russies et les Chefs des Eglises viennent après lui selon le rang d’ancienneté de leurs Sièges respectifs. Les prières sont chantées et récitées en plusieurs langues: en grec, slavon, arabe, géorgien, roumain, albanais, français, mais les mots étaient les mêmes. L’office était célébré strictement selon la Règle élaboré par les zélateurs sages et savants de la foi orthodoxe.

Celui qui connaît l’ordre de l’office, comprend tout, en quelque langue que soient prononcées les paroles. Et, vraiment admirable est la particularité de notre culte orthodoxe, son action est irrésistible sur les personnes instruites comme sur les gens simples.

Le sermon en russe est prononcé par le Métropolite de Léningrad, Grégoire. Il a souligné le caractère particulièrement solennelle de la célébration de la mémoire des Saints Apôtres Pierre et Paul. S’adressant aux hôtes il dit:

«Vous êtes venus pour vous réjouir avec nous et pour vous consoler en même temps que nous dans notre foi commune et pour remercier avec nous le Seigneur pour Ses Grâces, qu’il a daigné accorder à l’Eglise Orthodoxe Russe pendant les mille ans de son existence...» Plus loin, il raconte, avec quelle profondeur la foi chrétienne est entrée dans la vie du peuple russe, comment, malgré de nombreuses épreuves, notre Eglise a conservé dans la pureté les règles apostoliques, comment les orthodoxes ont gardé pendant des siècles leur conscience religieuse intacte, comment ni le protestantisme, ni les sectes n’ont pu faire chanceler les vérités de la foi chez les fidèles orthodoxes. Ayant touché les questions qui sont soumises actuellement à l’étude il invite les Chefs des Eglises qui se réunis ici «à prier le Seigneur pour conserver l’unité dans leur décisions comme elle s’est conservée dans leur prière et alors que se déchaînent les tempêtes et les vents des inventions humaines, que grondent les tonnerres des intimidations de toutes sortes, que scintillent les éclairs de colère et de cruauté, nous n’en avons pas peur, car nous nous trouvons sur un rocher solide».

La prière de l’ambon est lue par l’hégoumène Denis Chambault, un Français de Paris, supérieur d’une paroisse orthodoxe française de rite occidentale.

Pour le Te Deum, se revêtit, également de vêtements sacerdotaux, le clergé qui n’a pas pris part à la Liturgie. On souhaite de nombreuses années de vie à 28 Hiérarques: aux Patriarches, aux métropolites, aux archevêques aux évêques.

Aux heures libres d’office et de séances, les hôtes du Patriarche Russe prenaient volontiers connaissance de Moscou et de ses environs. Il va de soi que je n’ai pas pu être partout et avec tout le monde. Je n’ai pas non plus pris part aux banquets, dîners, et réceptions solennels. Là, il n’y avait pas de femmes. Et je ne décris que ce dont j’ai été le témoin oculaire.

Les Chefs des Eglises visitent la Galerie Trétiakovskaïa le 13 Juillet, un mardi. J’accompagnais le groupe, à la tête duquel se trouvent le Catholicos—Patriarche Callistrate, le Patriarche de Serbie Gabriel, l’exarque pour l’Ukraine, le Métropolite de Kiev, Jean. Un autre groupe avec à sa tête l’exarque du Patriarche Oecuménique en Europe, le Métropolite de Thyatire Germanos, visite la Galerie à part et le guide leur donne des explications en français.

Nôtres groupe commence sa visite par les origines de la peinture russe, les chefs—d’oeuvre des XI—XVI siècles. Nous nous attardons devant la face empreinte de tristesse de Notre Dame de Vladimir. Cette icône est étroitement liée avec les moments de transition les plus importants de l’histoire russe. L’histoire séduisante de différentes couches de divers styles de peinture, la restauration difficile de l’icone, tout cela intéresse profondément les visiteurs.

On visite avec la même attention les chefs-d’oeuvre des écoles de Novgorod et de Pskov, remarquables non seulement par la manière dont elles ont été peintes et par leurs couleurs, mais également par l’interprétation des sujets des Saintes Ecritures et de la vie des Saints. Et évidemment, tout le monde, tombe en admiration devant la «Trinité» d’André Roublev, éternellement vivante, simple, fine, douce et sévère. Dans la salle de l’école moscovite, les visiteurs s’entretiennent longuement et' avec beaucoup d’intérêt, en considérant le changement de style depuis André Roublev jusqu’à Simon Ouchakov.

Les peintures des XVIIe et XVIIIe siècles n’attirent presque pas l’attention des illustres visiteurs. Ils admirent seulement les remarquables sculptures de Choubine.

Longtemps et avec attention on s’arrête devant le tableau de A. A. Ivanov «l’Apparition du Christ au peuple» et ses esquisses. La triste histoire des recherches créatrices du peintre, le travail durant vingt ans sur cette oeuvre, dont la valeur n’a été reconnue que maintenant et enfin, la toile elle- même, parfaite par son dessein, sa peinture et sa composition sont découverts par les honorables visiteurs grâce à l’intéressante et complète explication du guide. Les Patriarches veulent se faire photographier sur le fond de ce tableau, ce qui est fait par les techniciens des actualités soviétiques qui sont présents.

Dans les salles suivantes on s’arrête devant le «Mariage inégal» de N. I. Poukirev et «Dans l’auberge du monastère» de A. J. Korzoukhine, devant les portraits de J. N. Kramskoy et devant sa toile «Le Christ dans le désert». Le guide attire l’attention des visiteurs sur certains tableaux de N. N. Gué. On ne peut pas ne s’attarder dans la salle de Kouindji et de J. J. Chichkine. Les tableaux traitants les sujets de la nature russe, interprétés d’une manière si différente, si variée, subjuguent tout visiteur rentrant ici.

On admire particulièrement les chefs-d’oeuvre de V. J. Sourikov et de J. E. Répine. Beaucoup de ceux qui sont ici les ont vus précédemment ou bien les connaissent d’aprés des reproductions et malgré cela y trouvent encore quelque chose de nouveau-telle est la particularité de tous les chefs-d’oeuvre.

Dans les salles de l’étage inférieur on admire les sculptures de M. M. Antokolsky, on rend hommage à la lyrique de Lévitan et on passe aux salles de la peinture soviétique. On admire les oeuvres des lauréats du prix Staline et, comme il me semble, c’est le tableau de M. J. Khmelko «Pour le grand peuple russe» qui produit sur eux la plus forte impression.

Le vendredi 16 Juillet, j’ai assisté à la visite du Musée Historique par les délégations. Ici, spécialement pour les hôtes du Patriarche Russe, on a exposé les tissages et les anciens manuscrits. Les hôtes visitent également beaucoup d’autres salles du Musée Historique, il est impossible de tout décrire. Mais je voudrais rappeler quelques travaux de tissage et quelques manuscrits.

On ne peut autrement apprécier les admirables broderies de perles et de fils dorés et argentés des femmes russes, un travail extrêmement fin et artistique, comme un bijou et qui est unique et qui ne peut avoir de double. Pour comprendre son charme, il faut le voir. Dans leur travail, qui durait des années, les brodeuses ont mis non seulement leur savoir faire et l’oeil juste de l’artiste, mais également leur pensée. Je me souviens surtout, sur un voile, le visage de Saint Nicolas, au front haut et énergique-probablement l’artiste a voulu exprimer ainsi la force de la pensée du Saint. Ou bien, par exemple, le don d’Hélène Volochanka, un voile représentant le dimanche des Rameaux a la cour du prince de Moscou, Jean III. Sur un petit espace, tout une toile historique: à l’arrière plan — le peuple tenant les rameaux, à gauche passe la procession du prince et sa suite, le petit-fils de Jean Dimitry, récemment couronné; plus loin le fils ainé Basile, avec ses partisans. A l’avant-plan, a gauche, Sophie Paléologue, avec ses deux filles et sa belle-fille, Hélène Volochanka, la donatrice de voile. A droite, la procession du Métropolite Siméon... Celui qui connait l’histoire des rapports familiaux et du palais de Jean III, comprendra facilement ce tableau et racontera le mélange compliqué de politique intérieur et extérieure du premier seigneur autocrate en Russie. Dans la section des manuscrits, nous voyons des pièces uniques tels que le Psautier du XIIe siècle en grec, le Recueil de Sviatoslav de Kiev de 1073, traduit du bulgare, l’autographe du premier Patriarche Russe, Job et l’autographe du Patriarche Hermogène, la Bible de Cuennade de Novgorod, un manuscrit d’André Bogolubsky, le Nécrologue de la Cathédrale de l’Assumption avec les noms de tous «ceux qui furent tués au champ de Koulikov...» D’anciens manuscrits et livres serbes, bulgares, roumains... Comment ne pas s’arrêter pour admirer le Psautier bulgare, illustré d’une admirable miniature, qui est le dernier témoignage de la haute culture de la Bulgarie, avant sa conquête par les turcs. Comment ne pas admirer l’Evangile qui a appartenu à Mstislav, le fils de Vladimir Monomaque, transcrit par des moines russes, dans une reliure ornée d’email, dont il est dit dans les annales qu’il fut commandé à Byzance. Combien d’associations dépensées évoquent ces objets précieusement conservés, avec quelle éloquence ils parlent à celui qui a su apprécier la grande force de l’orthodoxie.

Le même jour où les Chefs des Eglises visitèrent le Musée Historique, toutes les délégations assistèrent le soir à un concert spirituel, dans la grande salle du Conservatoire d’Etat de Moscou. Au programme figurent les spécimens les plus divers des chants d’Eglise, en commencent par les mélodies les plus primitives, on peut dire populaires et en terminant par les chefs-d’oeuvre de compositeurs russes, lesquels ont toujours rendu hommage au sens profond des prières orthodoxes. Le concert spirituel, consacré au 500ème anniversaire de l’autocéphalie de l’Eglise Orthodoxe Russe est exécuté par le choeur patriarcal avec la participation de l’artiste populaire de l’U.R.S.S. — Kozlovsky, l’artiste populaire de la R.S.F.S.R., N. D. Spiller et d’autres artistes et cantatrices bien connus.

Il faut rendre hommage au chef du choeur patriarcal V. S. Komarov, le choeur qu’il dirige exécute admirablement l’hymne de l’Union Soviétique. Les mélodies monastiques ont profondément touchés les auditeurs, tant elles sont sincèrement empreints de l’esprit de prière.

Le samedi 17 Juillet a lieu l’assemblée pleinière de clôture, dans la cathédrale de la Résurrection, au Sokolniki. De nouveau, c’est une paisible atmosphère de travail. Cette assemblée plénière va entrer dans l’histoire comme un point de départ de la reprise de communion interapostolique entre les dirigeants des Eglises d’Orient. Ici, sont adoptées de nombreuse décisions déterminant pour longtemps, la voie de l’orthodoxie dans la mer agitée des différentes tendances humaines, de la lutte des classes, des intrigues politiques, de la convoitise du pouvoir, de la cupidité et du souci du bien personnel.

Lorsque le lecteur aura pris connaissance des décisions adoptées alors il y verra les prédominances d’ordre essentiellement religieux des purs principes évangéliques. Alors que les points touchant le domaine de l’activité sociale sont exclusivement destinées à la défense de l’orthodoxie de l’agression du Vatican et d’autres confessions aspirants à l’hégémonie mondiale.

Chaque résolution concernant les questions étudiées aux assemblées plénières et dans les commissions 1) le Vatican et l’Eglise orthodoxe, 2) le mouvement oecuménique et l’Eglise orthodoxe, 3) de la hiérarchie anglicane et 4) du calendrier de l’Eglise, est lue et est acceptée à l’unanimité.

La signature des résolutions s’accomplit dans l’ordre hiérarchique. C’est le Patriarche de Moscou et de toutes les Russies, qui signe le premier, après lui, le Patriarche—Catholicos de toute la Géorgie, Callistrate, ensuite le Patriarche de Serbie, Gabriel, le Patriarche de Roumanie, Justinien, l’Exarque de Bulgarie, le Métropolite de Sofia, Stéphane. De la part des Eglise d’Alexandrie et d’Antioche et par procuration des Patriarches Christophe et Alexandre les documents sont signés par le Métropolite d’Emèse, Alexandre et le Métropolite du Liban, Elie; de la part de l’Eglise de Pologne, c’est l’archevêque de Belostok et de Béla, Timothée, qui signe; de la part de l’Eglise Orthodoxe d’Albanie, Pévêque de Kortcha, Païssy; de la part de l’Eglise de Tchécoslovaquie, l’archevêque de Prague et de Tchéquie Eleuthère.

Le Catholicos—Patriarche de tous les Arméniens, Georges VI, exprime également le désir de signer les résolutions.

Chaque résolution est signée à part, avec la citation complète des titres, c’est pourquoi la procédure dure longtemps.

Après l’achèvement de cet acte, le Patriarche Alexis annonce la liste des félicitations reçues par l’Eglise Orthodoxe Russe, de même que le télégramme du Patriarche d’Alexandrie, qui a chargé de représenter son Eglise à cette haute assemblée, aux délégués d’Antioche. Tous les Patriarches d’Orient, qui ne sont pas présents ici, de tous les côtés de l’univers, où vibrent à l’unisson les coeurs des fidèles orthodoxes, les évêques et les prêtres ont envoyé des félicitations à l’Eglise Orthodoxe Russe, à l’occasion du glorieux anniversaire de son indépendance. L’archevêque de Canterbury, le chef de l’Eglise d’Angleterre a également envoyé ses félicitations.

Suit la lecture, par le protoprêtre Jean Sokal, de la prosition faite par S. S. le Patriarche de Serbie, Gabriel: son essence se réduit á ceci: prier le Patriarche de Moscou et toutes les Russies à contribuer à ce qu ’à l’avenir «toutes les Eglises Orthodoxes autocéphales fassent les réformes nécessaires d’un commun accord fraternel, en même temps et dans la même mesure afin qu’aux yeux de toutes les autres églises chrétiennes ils soient unanimes dans toutes les questions doctrinaires et de collaboration» et de le prier «de préparer une nouvelle édition de l’homologie (la foi chrétienne) orthodoxe».

S. S. le Patriarche Alexis remercie pour la confiance et accepte de prendre sur lui cette grande tâche, avec l’assentiment unanime de toute l’assistance.

L’Exarque de Bulgarie, le Métropolite de Sofia, Stéphane, prie le Métropolite de Kroutitsy et de Kolomna, Nicolas, de donner lecture de son appel aux chrétiens du monde. Ce message est un modèle parfait d’un appel pastoral à la paix, à l’amitié et à la fraternité, rédigé dans le style du sage et doué hiérarque s’adressant à l’humanité par les paroles de Saint Paul: «N’éteignez pas l’Esprit». Cet appel est adopté par toute l’assistance.

Après cela S.S. le Patriarche de Moscou et de toutes les Russies, lève la séance, apportant encore une fois sa reconnaissance à toute l’assemblée qui s’est donnée la peine de venir à Moscou et exprimer par là, leur amour fraternel. Il voit le signe de la bienveillance divine dans l’harmonie et dans l’unanimité dans lesquelles se sont déroulées les séances et ont été prises les décisions. Pour la vie de l’église, il importe beaucoup que la voix de tous les hiérarques orthodoxes se fasse entendre à l’unisson. Cette conférence, a-t-il remarqué, doit montrer à tout l’univers, que notre seul but est de faire renaître l’unanimité dans les affaires touchant la foi. Nous ne possédons pas de pouvoir séculiers et nous ne le désirons pas, tel était le sens de son allocution. Il exprime son regret au sujet de l’absence à la réunion de la voix du Patriarche Oecuménique et l’éspoir que cette conférence n’est que le commencement «des conciles généraux pour prendre des décisions en commun». «Nous avons foi en ce que le Christ est et sera parmi nous», dit le Patriarche Alexis en terminant son allocution. La dernière proposition appartient à S. S. la Patriarche Justinien.

Il exprime le regret que les représentants des Eglises de Constantinople et de Grèce, qui sont arrivés pouf les fêtes, n’aient pas pris part à la conférence et il demande que ce regret soit porté au procès-verbal de la séance.

Après la prière dite en commun, tous s’approchent de l’icone de Notre- Dame d’Ibérie (Iverskaïa) et s’agenouillent devant elle dans un profond recueillement.

La silencieuse et humble invocation à la mère de Dieu, témoigne de la profonde foi des Hiérarques orthodoxes.

Le jour suivant, un dimanche, le jour de la fête de Saint Serge de Radonej, tous les hôtes sont invités à la Laure de la Sainte Trinité et de Saint Serge.

Ce jour-là, il y a toujours une grande foule à la Laure. On vient ici non seulement de Moscou, mais de différents côtés, parfois très éloignés, du pays. Saint Serge est un saint très vénéré par le peuple russe. L’arrivée des illustrées hôtes a contribué à un désir plus grand d’être là, le dimanche 18 Juillet 1948.

Je suis venue en voiture avec un prêtre russe qui habite à l’étranger depuis plus de vingt ans et qui n’a jamais été dans cet endroit. A mesure que se déroule les paysages toujours nouveaux, ces admirables paysages russes, il dit «voilà Vasnetzov... Voilà Nesterov... Voilà Chichkine... Et voilà Lévitan...» Il est difficile de dire si c’est une louange aux peintres nationaux ou à la nature russe. Ce qui est important, c’est que le paysage qui se découvre à nous, nous parait beau comme un tableau, et les peintres qui nous appris à voir et à comprendre ces beautés, ont tâché seulement de reproduire le plus directement possible la nature russe. Et subitement, une même idée nous passe par la tête. C’est cette terre qu’a foulé Saint Serge de Radonej. Il s’est illustré par ses travaux, ses prières, sa vie sans reproche pour l’accomplissements des commandements de Dieu et ces endroits sont devenus glorieux grâce à sa gloire. Que la mémoire du Saint soit bénie et à l’avenir et dans l’éternité!

Notre voiture avance sans se presser sur la route asphaltée. Devant nous à la lisière d ’un bois, plusieurs voitures gris claire se sont arrêtées. Ce sont de pareilles voitures qui desservent les hôtes du Patriarche Russe. Au premier moment nous nous sommes inquiétés, n’est-il pas arrivé un accident quelconque?

Le chauffeur répondit fièrement: «Rien ne peut arrivé à une «Zis 110»!

«Zis 110», est la marque de l’une des meilleurs automobiles soviétiques.

En effet, ce sont les voitures du Patriarche roumain et de sa suite qui se sont arrêtées à la lisière d’un bois. Le Patriarche a voulu faire une petite halte avant d’arriver au monastère de Saint Serge.

Lorsque nous arrivons à la Laure, il reste une heure de libre avant le commencement de la Liturgie. Mais c’est à peine si nous pouvons parvenir au parvis de la Cathédralede l’Assomption, tant il y a de monde dans la cour de la Laure. Et ce n’est qu’un petit chemin menant de la cathédralede l’Assomption au Réfectoire qui est sévèrement gardé. C’est par ce chemin que doit passer S. S. le Patriarche Alexis avec ses invités.

Nous entrons à l’église. A l’exception des places qui ont été réservées pour les hôtes, membres du clergé et laïcs, toute la grande église est pleine de monde. Et un silence étonnant règne malgré cette multitude.

Près de la châsse de Saint Serge, installée non loin du sanctuaire, se tient un «schimnik» (moine observant les règles les plus austères et ayan fait ses voeux de deuxième degré). Un gros cierge brûle d’une grande flamme épaisse, et des gouttes de cire, telles des larmes, coulent tristement. La petite flamme de la veilleuse que l’on dirait immobile, semble être figée dans sa lueur séculaire. Tout autour de la châsse, des fleurs soigneusement disposées.

La cloche de la Laure retentit. Le clergé et les moines, deux à deux, tenant un cierge à la main, vont à la rencontre de leur Prieur, le Saint Archimandrite de la Laure de la Sainte Trinité et de Saint Serge, le Patriarche de Moscou et de toutes les Russies, Alexis.

Cinq évêques: un membre de la délégation serbe, le Métropolite de Spolié Joseph, l’Exarque pour l’Europe Centrale, l’archevêque de Vienne Serge, l’archevêque d’Astrakan Philippe, l’archevêque de Novosibirsk Barthélémy, et l’évêque de Tachkent Goury, invités à concélébrer avec le Patriarche, s’arrêtent à l’entrée de la Cathédrale de l’Assomption. Ici, on voit l’archimandrite Arsène venu présenter la croix au Patriarche. Le reste de la procession s’est placée tout le long du chemin conduisant de l’église au réfectoire et avance lentement au son du choeur de la Laure et du carillon sonnant à toute. volée.

Ce début montre que l’office divin ici sera solennel, mais sobre selon la règle monastique, imprégné de l’esprit d’ascétisme.

La Liturgie suit son cours habituel. Mais chacun de ses actes apparait, ici, extrêmement précis. Cela s’explique par la façon particulière de prononcer les formules, de lire les heures, des motifs caractéristiques du choeur, ou bien par une retenue générale, involontaire; d’une façon ou d’une autre, on se rappelle tout le temps qu’on se trouve dans un monastère.

Et le peuple prie, ici, d’une autre façon aussi,avec une plus profonde piété, se signant d’un large signe de croix et s’inclinant profondément. Le «Credo» et le «Pater» sont chantés par toute l’assistance.

J’ai appris, depuis, que les pèlerins, venus ici le jour de la Saint Serge et n’ayant pas pu pénétrer dans la cathédrale pour la Liturgie sont restés dans d’enceinte de la Laure toute la journée. Ils assistèrent aux offices dans les autres Eglises de la Laure et encore tard dans la nuit, venaient, toujours s’incliner devant les Reliques de Saint Serge. Et même après avoir accompli cet acte de dévotion longtemps encore ne voulaient pas se retirer.

A la fin de la Liturgie, pour le Te Deum, arrive le Président pour les Affaires de l’Eglise auprès du Conseil des Ministres de l’U.R.S.S., G. G. Karpov, son remplacent, S. C. Belychev, les membres du Conseil et beaucoup de délégués.

Après le Te Deum, tous les invités, deux à deux, bien en ordre et selon leur rang hiérarchique, se rendent au réfectoire. La procession est fermée par le Saint Archimandrite de la Laure, S. S. le Patriarche Alexis.

Au cours de la collation offerte au réfectoire a lieu la clôture des fêtes commémoratives du cinq centenaire de l’autocéphalie de l’Eglise Orthodoxe Russe. C’est précisément ici que le Patriarche de Moscou et de toutes les Russies s’adresse à ses hôtes avec sa dernière allocution d’adieu.

La dernière prière dite en commun, le 19 Juillet, à midi, a lieu sur la tombe du Patriarche Tikhon, au monastère Donskoï, à Moscou.

l’Eglise de Notre Dame du Don, où reposent les restes du Patriarche Tikhon, est la plus ancienne église du monastère Donskoï. Elle a été bâtie en souvenir de la libération miraculeuse de Moscou de la destruction et du pillage, lors de l’attaque du Khan tatare Kazy-Guiréï, en 1591. L’attaque ennemie fut impétueuse et inattendue. Moscou n’était pas prête pour la défense. Plus la prière était ardente, plus il y avait d’espoir en Dieu et en Sa Pure Mère. A l’emplacement actuelle de l’église, à l’endroit que l’on appelle le Champs des Moineaux, près du lieu du combat, il y avait la tente où se trouvait l’icone de Notre-Dame du Don, devant laquelle on priait sans interruption. C’était le jour de la fête de Saint Serge, la fête patronnale de la chapelle ambulante de l’armée, le Khan Kazy-Guiréï s’était approché de Moscou et soudain, sans aucune raison apparente, s’enfuit subitement. Ce miracle fut attribué à la présence dans le camp des défenseurs de la capitale de l’état moscovite de l’icône de Notre-Dame du Don. Deux ans plus tard on érigea cette église en son honneur, avec un autel en l’honneur de Saint Serge. On peut considérer l’année 1593 comme l’année de la fondation du monastère Donskoï.

Toutes ces données nous ont été fournies, après la panikhide, par le supérieur de l’église, l’évêque de Mojaisk, Macaire. C’est lui qui célébra l’office sur la tombe du Patriarche Tikhon.

La petite église qui se compose de l’église même et du réfectoire qui lui a été ajouté plus tard, ne peut contenir que le clergé et les membres des délégations.

La tombe du Patriarche Tikhon se trouve sur le côté droit, en entrant dans l’église, dans l’ancien réfectoire.

Des voûtes basses, de petites fenêtres profondes, une pénombre... La sombre croix de hois du Calvaire se dessine à peine sur le fond gris clair du mur. Elle sépare l’église du réfectoire. Les veilleuses scintillent près du Calvaire et au-dessus de la tombe du Patriarche. La lumière ne fut pas plus éclatante, lorsque’on allume les lustres. Une religieuse, courbée par l’âge, place des cierges près de la tombe. La prière orthodoxe pour les défunts est la même pour tout le monde—tous sont égaux devant Dieu. Les paroles des tropaires et des irmos sont très profondes, poétiques et sages. Ses frères en Christ, réunis ici, prient pour le repos, le calme, la bienheureuse mémoire du défunt. «Que le Seigneur lui pardonne ses fautes» s’entend dans toute l’église le motif bien connu qui est touchant et triste. «Car tu es poussière et tu reviendras poussière», il en est ainsi et il en sera ainsi de nous tous, de nos restes fragiles. La tristesse s’empare de tout le monde.

Mais on entend les paroles «mémoire éternelle» qui sont chantées par le choeur et par l’assistance... Dans ces deux mots est renfermée la grande force de la vie, la justification de l’existence de l’homme et de ses bonnes actions. Non, ce n’est pas la mort qui est glorifiée, ici, pendant la panikhide, mais l’éternelle, la joyeuse et sage vie qui ne s’éteint jamais.

Le 20 Juillet, et les jours suivants, les délégations commencent à quitter la capitale. Selon leur désir, les hôtes du Patriarche de Moscou et de toutes les Russies, se dirigent vers d’autres villes de l’Union Soviétique: Léningrad, Kiev, Tbilissi.

A. Ch.

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